Quand on parle de la Croix de Fer et de son cabaret, on sait qu’il va être question de repaire de bandits, de vols, d’assassinats…. Cette réputation est née au 18ème siècle. Sans comparaison toutefois avec la célèbre et médiatisée auberge de Peyrebelle, la Croix de Fer reste très vivante dans la mémoire collective de la Basse- Ardèche. A partir de documents privés et familiaux, il m’a été possible de retracer sa création et ses débuts mouvementés.
Il faut préciser que ce logis fut répertorié en tant que cabaret jusqu'à la fin de l’Empire : il sera officiellement qualifié d’auberge dans la deuxième moitié du 19ème siècle. Ill y a peu d’éléments historiques concernant la date où la croix qui a donné son nom au cabaret fut plantée en bordure du chemin. La thèse de doctorat de Monsieur Franck Bréchon, à l’Université de Lyon 2, traitant du réseau routier en Vivarais dans la période 1250/1450, fait mention d’une origine très ancienne et note, qu’au Moyen-âge, elle était désignée comme « Cruce Ferreyrol ». Comme beaucoup d’autres, elle se dressait à l’intersection de plusieurs chemins, dont le fameux Chemin Royal allant de Joyeuse à Saint Laurent les Bains.

Au cours des dernières années d’existence de l’auberge, c’est cette croix de fer qui fut fixée sur le toit principal où, d’après les « anciens », elle servait de paratonnerre et de protection divine… Monsieur Coste, de Saint Jean, aujourd’hui décédé, m’avait assuré être le dernier à l’avoir remise en place vers 1950.
Le cabaret est situé au bout de trois longues montées particulièrement éprouvantes pour les hommes et les bêtes. L‘un d’eux, le fameux Chemin Royal, était souvent rendu impraticable en raison des fortes précipitations de pluies orageuses ou de neige, plus abondante à cette époque. En Janvier 1742, conscient du problème, le Receveur des Tailles du Pays du Vivarais a accordé six cent livres à la « communauté » de Payzac pour refaire le chemin qui conduisait au lieu de la Croix de Fer. Il fut par la suite entièrement détruit. Monsieur André Vivien, directeur des travaux publics du Pays du Vivarais, le fit à nouveau restaurer. Les travaux se sont échelonnés du 20 Août au 26 Novembre 1752.
Il était indispensable que cette voie soit praticable, ne serait-ce que pour le transport du vin et de l’huile d’olive de toutes les « communautés » entourant Payzac et Joyeuse, jusqu’à la montagne. Ce chemin « antique » très fréquenté n’était pas emprunté par les seuls convois de muletiers et de marchands. A l’époque, les nombreuses foires, telle celle de Saint Genest de Beauzon étaient très prisées. Les divers pèlerinages en direction de Thines, de Sablières, voire du Puy, étalés dans l’année, attiraient aussi beaucoup de monde. Voyager à pieds ne faisait peur à personne et par n’importe quel temps, qu’il y ait du soleil, des bourrasques de neige ou de pluie, on voyait passer des charrettes et des mulets très lourdement chargés. Les femmes et les hommes faisaient halte en haut du col et se reposaient un moment, avant de continuer leur route.
Ce va et vient de gens et de bêtes à donné des idées à François et Simon Arifon, propriétaires du logis de la Croix de Fer. Leur mas se trouvait pratiquement à l’intersection des chemins de Saint Mélany, Sablières et Saint Jean de Pourcharesse.

Il dominait la grande montée du Chemin Royal qui va de Joyeuse à Saint Laurent les Bains. L’habitation la plus proche, la grande et très ancienne auberge de Peyre était distante d’une dizaine de kilomètres. Très isolé, le logis de la Croix de Fer bénéficiait d’une position stratégique remarquable. Le bâtiment n’était pourtant pas imposant ; grâce à la saisie mobilière de 1780, nous savons qu’il était composé de deux habitations accolées, l’une beaucoup plus importante que l’autre. La première comportait une grande pièce avec cheminée bien équipée (landiers de haute taille, chaudrons, longue table en châtaignier, bancs, fauteuils…), deux chambres avec un beau cabinet en noyer, un vaste grenier et des caves en sous-sol. La deuxième était plus modeste, avec une cuisine-salle à manger-cheminée peu équipée et une petite pièce pour dormir. Autour, deux grands jardins, des prés, des terres de châtaigniers et de landes, le tout faisant environ 14 hectares. On peut parler d’une exploitation classique de paysans de l’époque. La richesse de la propriété venant surtout de la proximité d’une source abondante et pérenne.
Les frères Arifon ont compris le profit qu’ils pouvaient tirer de l’emplacement particulier de leur logis. En réfléchissant, ils ont pensé que les pluies torrentielles, le grand froid, la neige et l’isolement, se transformeraient peut-être en atouts pour un futur cabaret ! Les déplacements étaient longs, difficiles et fatigants, d’où l’intérêt de proposer une halte où les gens, les chevaux et les mulets auraient tout loisir de s’abreuver et se nourrir.
A cette époque, les aubergistes et les cabaretiers étaient très souvent des paysans qui continuaient d’exploiter leurs terres et leur cheptel. L’accueil des voyageurs, des muletiers et marchands de toutes sortes se faisait donc très simplement dans la pièce principale. Une imposante cheminée, un bon feu, des bancs et une table toute en longueur suffisaient à satisfaire la clientèle.
Sous l’ancien régime, il existait trois sortes de cabarets : le premier, dit « à pot et à pinte », ne servait qu’à boire, le deuxième « à pot et assiettes de buveurs » autorisait le couvert, le troisième assurait occasionnellement le gîte. C’est la deuxième option qu’avaient choisie les frères Arifon.
Ils avaient connaissance des servitudes imposées pour la tenue de ce genre d’établissement: Se conformer aux ordonnances des autorités quant aux heures d’ouverture et de fermeture, avoir une clientèle dite de « bonne mœurs », les cabarets étant souvent, à juste raison, assimilés à des lieux de débauche en tous genres. Enfin, s’acquitter des différents impôts et taxes, notamment la plus importante concernant le vin qui restait la boisson principale.
Il fallait aussi s’assurer d’une bonne entente avec les prêtres ou le prieur des villages voisins car leur pouvoir auprès des autorités, pour de simples questions de fermeture ou d’ouverture pendant les cérémonies religieuses, pouvait aller jusqu'à la fermeture « administrative ». Le recueil des ordonnances du diocèse de Viviers, publié en 1743, est très clair à ce sujet : « A tous taverniers et cabaretiers de recevoir pendant les heures du service divin tant le matin que les après diner, aucune personne de quelque qualité qu’elle soit et habitants d’aller boire ou manger aux tavernes et cabarets ; aux taverniers et cabaretiers de les y recevoir à peine d’amende arbitraire pour la première fois et de prison pour la seconde.. »
Si l’isolement de ce futur cabaret, pouvait limiter les risques de contrôle et d’interventions des autorités, il le rendait par contre plus exposé à des exactions en tous genres ou, plus grave, à l’occupation des lieux par une bande de brigands.
Simon et Joseph Arifon savaient tout cela, mais la décision d’ouvrir un cabaret dans leur mas était prise. Restait à officialiser le projet, mis sur pied avec le dit Pellet. Ainsi, le 14 janvier 1743, la « société » fut créée et enregistrée par le notaire royal Bressand, Conseiller à la Cour, en la ville de Largentière. Ce document, assez rare

précise les droits et les devoirs de chaque partie. Le terme de « société », peu employé à cette époque dans le Vivarais, a pour définition dans le dictionnaire domestique portatif de 1765 (Coll. pers.) : « Contrat par lequel deux ou plusieurs personnes se joignent ensemble, pour un certain temps afin d’exercer ou faire quelque commerce et en partager les profits ou les pertes, suivant la portion que chacun des associés a dans la dite affaire.. ». Cela s’applique exactement à la création du cabaret.
Les frères Arifon avaient l’obligation de payer chaque année les droits d’équivalent à leur associé le sieur Pellet, à savoir « la somme de soixante livres pour la moitié du prix de la ferme, deux sols six deniers de chaque quittance, une paire de perdrix rouges tous les ans…). Cette clause particulière était fréquente dans les actes anciens de la Cévenne Ardéchoise. Actuellement cela serait impossible… car les perdrix ont disparu!
L’impôt de l’équivalent du Languedoc dans les dernières années de l’ancien régime était lourd. Il représentait pratiquement 30% de la quantité de vin vendu ou consommé dans l’année. Les cabarets où l’on servait « l’assiette de buveur avec nappe, viande, sel, couteaux, pain de toutes espèces, même des croutes ou gâteaux …. » étaient plus particulièrement concernés par cet impôt. Tout cela est stipulé dans le contrat entre les frères Arifon et le sieurPellet : Il est dit que « Les festes de Saint André et de Notre Dame de Neige de chaque année, les dits Arifon et Pellet feront cabaret, débiteront des viandes au dit Saint André et les profits qu’ils feront seront partagés entre eux pour ce qui concerne les dits jours, pendant les six années de la ferme…. ». La Saint André tombe fin novembre et Notre Dame des Neiges est célébrée le 5 Août, en souvenir de la neige miraculeuse tombée à Rome à l’occasion de la célébration de la basilique de Sainte Marie Majeure au 5ème siècle.
A la suite du document sont citées les pénalités infligées en cas de défaut de paiement : visite d’huissier hypothèque des biens, saisie immobilière, mise en jugement, contrainte par corps…
Le cabaret a fonctionné sans problème jusqu’aux environ de 1776. Le climat social dans le Bas Vivarais a ensuite beaucoup changé : rejet de l’autorité de l’état, refus de payer les impôts, procès en cascades, esprit de sédition, banditisme « social » ou autre, rébellions… Pour illustrer l’ambiance, le Comte de Brison, Baron des Etats du Vivarais écrit concernant cette époque : « Ce pays est célèbre par la férocité des habitants qui s’entretuent, habituellement le clergé ne peut y lever ses dîmes, les collecteurs y exiger la taille, aucun huissier n’ose y porter ses pas parce qu’ils sont tous blessés ou tués… ».
Ce climat de très grande insécurité, bien décrit et analysé par nombre d’historiens, n’a pas pu échapper aux propriétaires du cabaret. Ceux ci ont-ils profité de l’insécurité de cette période ou l’ont-ils seulement subie ? Difficile à dire. La contrebande toujours très présente, le « passage » de bandes de brigands, de mendiants, les rumeurs, le contexte de misère, la révolte dite des Masques Armés, ont certainement fragilisé la bonne marche du cabaret. Il en ressort que, chose prévisible et courante chez les cabaretiers, Joseph Arifon (son frère est décédé entre temps) n’a plus été en mesure de payer à Pierre Fabre des Vans l’impôt de cinquante cinq livres et seize sols dont il était redevable... Les nuages s’accumulaient au dessus de sa tête ! A la demande du sieur Fabre, le sept Juin de l’an 1780, la Cour Ducale de Joyeuse le condamne à payer immédiatement, avant saisie mobilière. Il fait la sourde oreille. Le 19 décembre de la même année, Jean Jacques Gilles, huissier à Villeneuve de Berg, assisté des sieurs Ribier et Pin, habitant tous les deux la ville des Vans, arrivent au mas de la Croix de Fer pour procéder à la saisie mobilière.

En compagnie de ses assistants, il se rend à « Dépoudent », le hameau le plus proche, pour demander, comme il est de coutume, à deux habitants d’être présents à la saisie, afin de signer le procès verbal de l’intervention. L’huissier déclare : « Lesquels dits habitants ont refusé même de nous dire leur nom et surnom et moins encore de venir signer notre verbal de saisie et les copies, ce fait nous sommes retournés avec mes assistants au dit mas de la Croix de Fer…. ». Dans cette année de grande agitation dans la Cévenne Ardéchoise, il ne faut pas s’étonner de cet accueil : l’huissier et ses aides ont très certainement été soulagés de s’en sortir vivants!
A la lecture de la lettre officielle, on peut faire plusieurs remarques: Les meubles du mas ont été qualifiés « de bonne valeur », avec mention d’un cabinet-secrétaire en noyer. Dans les caves, se trouvaient deux petits tonneaux vinaires de contenance, l’un dans l’autre, de huit septiers de vin, dont cinq septiers de bon vin rouge (soit en mesure des Vans, 100 l environ), ce qui n’est pas mal pour un petit cabaret. Quant aux 3 septiers restants, on peut supposer qu’il s’agissait de vin piqué, auquel le cabaretier aurait rajouté du miel pour couvrir le goût de vinaigre ! Pratique courante à cette époque !
Joseph Arifon était absent. A-t-il préféré laisser sa femme assumer seule la saisie ? Par chance, un nommé Jullien Guigon de Lablachère s’est trouvé dans le cabaret ce jour là. Il s’est porté « séquestre volontaire » et garant de la somme à payer. De ce fait, après les signatures d’usage, l’huissier et ses assistants sont partis sans rien emporter.
Le trente juin 1781, Joseph Arifon s’est enfin rendu aux Vans pour payer sa dette au sieur Fabre, intérêts compris.

Mais en août 1782, il n’a pas été en capacité de régler le montant de l’impôt dû pour la vente, dans son cabaret, de trente sept septiers et quatre pintes de vin. Il est alors assigné en justice et la procédure traine en longueur. Le 20 août 1785, les « Prieur et Consuls de la Bourse Commune des Marchands de Montpellier » condamnent Joseph Arifon, «aubergiste et voiturier », à payer la somme de cinquante cinq livres, sept sols et dix deniers, plus neuf livres de frais… Jugement assorti de menaces : « il y sera contraint par les voies de droit et par corps… » (Doc. pers. N°6). Il finit par s’acquitter de sa dette en septembre de la même année.
Revenons à l’hiver 1783. C’est le moment où s’illustrent ceux que l’on nomme les « Masques ». Il s’agissait d’une bande constituée pour lutter contre les excès et les malhonnêtetés de certains huissiers, procureurs et notaires. Ils se barbouillaient le visage de suie ou portaient des masques en bois et en carton. Ils symbolisent la rébellion et la contestation qui règnent partout dans le sud de l’Ardèche. Bon nombre d’entre eux avaient des motivations généreuses, mais ce ne fut pas le cas de tous…
Se distingue dans cette période très trouble, un personnage particulièrement dangereux, que l’on ne peut qualifier de «bandit social » vu qu’il n’a jamais redistribué ce qu’il a volé ou pillé à la tête de sa bande. C’est le fameux chef de bande Dégout. Il est partout et terrorise la contrée, bourgeois, hommes de loi, paysans… Condamné par contumace à mourir sur la roue, il sera l’un des rares, avec Estienne, dit le rouge, à ne pas bénéficier de l’amnistie du Roi. En effet, suite à un rapport établi à la demande du parlement de Toulouse, concernant les abus des hommes de loi du Bas Vivarais, toutes les procédures à l’encontre des personnes impliquées dans l’affaire des Masques ont été arrêtées et « pardonnées ». (AD 07.1373. n° 90). Les autorités, n’ayant pas réussi à le capturer, Dégout, a continué à semer la terreur avec sa nouvelle bande. Il prend par la force le cabaret de la Croix de Fer, et l’utilise à sa convenance comme base de repli entre deux coups de mains. Il a vite compris qu’en postant quelques guetteurs sur les chemins, il restait hors d’atteinte des autorités. Face à cette menace permanente, Joseph Arifon et sa famille, partent se réfugier à la ville des Vans en laissant leur fermier Reverdin et son épouse aux mains des brigands. Nous arrivons là à la période la plus sanglante et la plus dure du cabaret de la Croix de Fer. Toutefois, les témoignages de cette époque particulièrement troublée sont parfois sujets à caution, face aux chantages, aux menaces, aux éventuelles représailles, aux vengeances et à l’intimidation.
Le 25 Août 1789 à huit heures du matin, un groupe d’environ quarante personnes venant de la foire de Saint Genest de Bauzon, cheminant ensemble par sécurité, se dirigent vers les villages de Montselgues et Sablières. Devant le cabaret de la Croix de Fer, ils sont sommés de s’arrêter par la bande à Dégout. Forts de leur nombre, les voyageurs pensent pouvoir continuer leur chemin, mais un des comparses de Dégout, le dit Montaurel, tire sur Claude Couderc de Teste Rouge de Montselgues et le tue. Un autre coup de feu blesse très grièvement son père, Estienne Couderc qui est transporté à Saint Laurent les Bains, les eaux de la source ayant la réputation de guérir les blessures. Mais il décède peu de temps après. En dépit de ces deux meurtres, le groupe réussit à passer sans se faire rançonner. La milice bourgeoise du sieur Prat, deuxième Consul de Sablière, arrêtera Montaurel au lieu dit l’Echelette, sur le chemin qui mène à Saint Laurent les Bains. Suite au jugement prévôtal, après avoir « demandé pardon à Dieu » et avoir eu « les bras, les jambes, et les reins rompus à vif », il rend l’âme sur la roue, le mercredi 23 septembre 1789. Son corps sera exposé à la sortie de Joyeuse sur le Chemin Royal qui mène à la Croix de Fer. Cette condamnation ne changera en rien l’occupation occasionnelle du cabaret par la bande à Dégout qui a bénéficié d’une impunité difficilement compréhensible.
Dans cette période incertaine et peu sûre, l’isolement de mas d’Arifon et surtout, l’affaire du meurtre des Couderc vont donner au cabaret une réputation de « coupe-gorge ». Cette dénomination va perdurer, car aux brigands pseudo-révolutionnaires se rajouteront les brigands-chouans du Vivarais. Les paysans ne pourront pas échapper aux pillages, aux saccages, aux meurtres et règlements de comptes de toutes sortes. Cette fin de siècle sera catastrophique pour la Cévenne Ardéchoise et bien sûr, pour le cabaret de la Croix de Fer qui tentera de résister, entre occupations illégales et fermetures.
Le fameux Dégout, après avoir été amnistié par la Révolution, selon certains, sera finalement arrêté pour d’autres délits en avril 1796 et, d’après les écrits de Monsieur Mazon, mourra en prison à Privas.
La famille Arifon est restée au Vans. Le sieur Mozier qui avait repris la « gestion » de l’établissement sera condamné pour avoir « recélé » des brigands. Une mesure administrative de fermeture provisoire frappera à nouveau le cabaret. Il faut pratiquement attendre l’avènement de Bonaparte et la fin du Consulat pour que la région retrouve la paix.
Le 21 septembre 1807, le préfet du département de l’Ardèche, après avoir pris l’avis du juge de paix du canton des Vans et du maire de Sablière, au vu de l’intérêt du public, autorise le nommé Dubois à rouvrir le cabaret. Dès lors, le calme étant revenu, la Croix de Fer est à nouveau un cabaret fréquentable. Toutefois, Arifon, toujours propriétaire du mas, ne peut transmettre la gestion à quiconque, sans l’accord des autorités.
Les descendants de Joseph Arifon ont vendu une partie de la propriété en 1848 et liquidé le reste de leurs avoirs en 1861. Les ruines de l’auberge et ses terres attenantes appartiennent actuellement à une très ancienne famille ardéchoise, les Boyer, habitant Le Villaret, commune de Saint Jean de Pourcharesse.
La réalité historique décrite pendant cette période bien particulière à certainement fasciné l’imaginaire collectif. La légende s’est transmise de foyer en foyer et de village en village. Jean Claude Bourles écrit à ce propos : « Un jour ou l’autre, l’être humain succombe à la séduction et à la fascination irrationnelle d’un lieu, d’un fait ou d’un nom… La mémoire des peuples a besoin de lieux d’ancrage… ». Cette phrase me convient parfaitement …
Appelés par certains « les contre église », minés par la contrebande, le banditisme et les tensions politiques, les cabarets n’ont pourtant cessé de prospérer au 18ème siècle. Plusieurs facteurs expliquent cela. Très nombreux étaient ceux qui arpentaient les routes et les chemins : convois de muletiers, personnes se rendant aux foires et marchés ou groupes de pèlerins. La lenteur des déplacements qui se faisaient souvent à pied, plus rarement à dos de mulet ou à cheval, rendaient indispensables les cabarets et les auberges. Dans cette période très agitée, les cabaretiers ont joué un rôle social et politique non négligeable, tout particulièrement dans la Cévenne Ardéchoise, très pauvre en moyens de communication et d’information. C’est ce qu’avait compris le préfet de l’Empire en prononçant une simple fermeture provisoire.
Le sieur Arifon pensait que son cabaret, très bien situé pour le commerce, allait devenir un établissement prospère comme sa puissante voisine l’auberge de Peyre qui vient de fêter ses 500 ans d’existence. Mais son isolement en a fait un repaire inespéré pour les brigands de tous bords. Comme nous l’avons vu, la tourmente du 18ème siècle a fortement perturbé l’activité du cabaret de la Croix de Fer. Ce qui aurait dû rester un lieu paisible d’accueil et d’échanges s’est transformé en coupe-gorge pendant une longue période.
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